RVC: pourquoi faire compliqué?

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Par · 25/09/2012

L’idée de s’intéresser aux compteurs intelligents est venue à la société namuroise RVC en raison de sa cible historique qui est celle des sociétés de logement social pour lesquelles elle développe depuis 1981 des solutions de gestion. Dans un premier temps, son catalogue s’est limitée à des logiciels de gestion comptable et financière, avant de s’ouvrir à des solutions de gestion de chantiers, de règlement des loyers…

Sa clientèle constituait une cible potentiellement très intéressée par une solution de télé-relevé de compteurs (eau et énergie). Une première étape, sans doute, vers des solutions à plus haute valeur ajoutée telles que suivi et optimisation des consommations, comptabilité énergétique, voire signature énergétique des bâtiments.

Contraintes locales

RVC s’est inspirée d’une solution française de télé-relevé qui avait recours à des capteurs d’impulsions. Malheureusement, cette solution ne pouvait être utilisée telle quelle en Belgique puisqu’elle aurait impliqué le remplacement des compteurs actuels. “Aucune société de logement social, aucune commune ne se serait lancée dans une telle dépense”, souligne Christian Van Parys, patron de RVC .

La société s’est donc mise en quête d’un autre type de capteur et a déniché, en Suisse, chez Xemtech, un système de capteur optique.

Le principe en est simple: le capteur prend un cliché du compteur à intervalles réguliers (par exemple une fois par heure). Un processeur OCR intégré “traduit” l’image en chiffre. Les mesures ainsi prises sont transférées, via connexion WiFi, à un concentrateur qui collecte les relevés de consommation d’eau, de gaz ou d’électricité.

Une fois par jour, le concentrateur envoie, via liaison GPRS, les données vers le serveur d’un prestataire extérieur ou vers le gestionnaire du bâtiment. Sur ce serveur, un logiciel de suivi des consommations génère une histogramme, procède aux analyses et interprétations (paramétrables), génère les diagrammes et les éventuelles alertes en cas de dépassement de seuil ou de pic anormal. “Tout est potentiellement paramétrable”, souligne Christian Van Parys. “On peut mesurer, suivre et historiciser les courbes de consommations en fonction de la surface du bâtiment ou des pièces, du nombre de personnes y habitant ou travaillant. On peut faire varier les seuils d’alerte en fonction des périodes de l’année, des pics de fréquentation du bâtiment.. l’analyse des ratio de consommation peut se faire en comparant deux semaines successives, une période avec la période correspondante de l’année antérieure, etc.”

“Une fois ce genre de capteurs, de système de télé-relevé et d’application mis en oeuvre, il est possible d’activer toute une série de services: comptabilité énergétique, benchmarking pour comparer entre eux des bâtiments de type et usage similaire, signature énergétique pour suivre l’évolution des consommations d’un bâtiment dans le temps- utile dans la mesure où les équipements vieillissent, se dégradent, que l’isolation perd de son efficacité…” Mais aussi que l’utilisation qui est faite d’un bâtiment peut, elle aussi, évoluer dans le temps.

Autres types de services: un mécanisme de refacturation de consommation lorsque plusieurs occupants partagent un même bâtiment. Par exemple: un bâtiment occupé par des élèves en journée, se muant en centre culturel le soir et/ou en salle de sport le week-end.

Autant de services et d’applications qu’il faudra développer si l’on veut en arriver à une utilité réelle des capteurs.

Rien qu’un premier pas

Aussi détaillés ou personnalisés que soient le suivi des consommations ou les histogrammes générés, ils n’auront évidemment aucun impact sur les consommations – et les dépenses – proprement dites s’il n’y a pas réelle exploitation de ces données brutes. En cela, Christian Van Parys rejoint d’autres observateurs qui militent en faveur d’une formation au changement des comportements. “La condition sine qua non pour qu’il y ait réduction de consommation est d’utiliser les histogrammes et diagrammes pour se poser les bonnes questions. Par exemple, pourquoi tel pic tel jour? Ou pourquoi ne pas commencer les cours une demi-heure plus tard? Il faut désigner une personne dédiée qui suivra les comportements.”

Christian Van Parys s’interroge sur les scénarios qui seront mis en oeuvre, demain, en matière de compteurs dits intelligents. Son souhait serait que la technologie de capteur optique qu’il préconise et compte bien déployer puisse venir se greffer aux compteurs existants et, demain, se marier avec ceux que déploieront (à plus ou moins grande échelle) les distributeurs et fournisseurs d’énergie.

En septembre, l’Etat belge, suite aux études d’opportunité réalisée par les trois Régions, a transmis une fin de non recevoir à l’Union européenne qui rêve de voir, à l’horizon 2020, 80% des compteurs devenir intelligents. RVC mise sur cette période encore potentiellement longue pendant laquelle on se contentera de compteurs plus basiques pour vendre son concept et autoriser des économies d’énergie. “L’Etat belge a dit non. Mais même quand il dira oui, il faudra peut-être 20 ans avant que le déploiement soit généralisé.” Entre-temps, RVC envisage des scénarios où la société pourrait par exemple convaincre un Electrabel d’adopter sa solution en label blanc. “Le service [lisez: la livraison d’informations de consommation aux usagers] serait rendu par Electrabel mais la solution qui générerait les histogrammes serait la nôtre.”

“Les informations dont disposeront désormais consommateurs et distributeurs d’énergie seront les mêmes. Il n’y aura donc plus de conflit au sujet de la facture. Notre solution peut également être un outil d’exploitation fort utile pour le distributeur puisqu’il pourra effectuer des analyses de courbes ou profils de consommation, rue par rue s’il le désire. A partir de là, il peut conduire une réflexion sur les capacités horaires, sur le dimensionnement de son infrastructure, etc.”

Des économies (potentielles) significatives

A condition qu’un accompagnement (ou une formation) soit fourni aux consommateurs et/ou que les travaux nécessaires soient réalisés, les histogrammes de consommation peuvent permettre aux gestionnaires de bâtiments, notamment, de réduire sensiblement les consommations. “Les chiffres cités par mes contacts en France [où une solution similaire à la sienne a été déployée] montrent que des économies de 20% sont accessibles. L’effet est donc potentiellement énorme par exemple pour les budgets communaux. Une commune moyenne peut compter jusqu’à plus de 100 bâtiments qui relèvent de son autorité et de sa gestion. Or, la consommation moyenne (gaz/électricité) d’une telle commune se monte à 2,5 millions d’euros. Faites vous-même le calcul…”.

“Au-delà des histogrammes et diagrammes, la condition sine qua non pour qu’il y ait réduction de consommation est de se poser les bonnes questions.”

De la théorie à la pratique

Le scénario imaginé par RVC dépend encore d’un paramètre majeur. Xemtech est en mauvaise position financière. Depuis février de cette année, RVC s’est engagé dans des négociations afin de prendre une participation. Mais il lui faut pour cela encore trouver des fonds.

“Ensuite, nous enclencherons la dynamique.” Cibles commerciales prioritaires: des distributeurs d’énergie, essentiellement à l’étranger (Allemagne, Europe de l’Est), des fabricants de compteurs, des syndic d’immeubles, voire des communes.