Fin mai, quelques semaines avant que le gouvernement wallon ne se prononce, les principaux GRD (gestionnaires de réseaux de distribution) belges avaient émis un communiqué commun, signifiant leur opposition à un déploiement généralisé, à moyen terme, de compteurs intelligents.
La Régie de l’Electricité de Wavre, GRD qui a la double particularité de n’être lié à aucune intercommunale et de ne desservir qu’une seule commune, ne figurait pas parmi les signataires du communiqué. Mais sa position n’est en rien différente du message émis à destination du gouvernement belge et, par-delà, de l’Union européenne. A ses yeux, il s’agit avant tout d’acquérir des connaissances à la fois sur la réalité du terrain et sur la manière dont le réseau réagit aux contraintes de consommation. Par ailleurs, la perspective d’un déploiement généralisé à court terme (80% de compteurs intelligents à l’horizon 2020) impliquerait, de la part des GRD chargés de leur déploiement, une charge de travail difficilement envisageable: “Wavre devrait déployer 16.800 compteurs basse tension. Cela représenterait 3.000 compteurs par an sur 6 ans. Imaginez ce que cela impliquerait pour d’autres, tels ORES…” Un nombre plus réaliste (certes hyper-minimaliste!), aux yeux de Roger le Bussy, directeur technique de la Régie wavrienne, serait de 4 compteurs par jour, soit moins de 1.000 par an. Tout déploiement généralisé impliquerait une augmentation des cadences et des équipes. Donc des investissements… et des coûts à récupérer d’une manière ou d’une autre.
Priorité aux tests techniques
“En l’absence de mesures contraignantes, les tests menés à ce jour portent uniquement sur les solutions techniques”, déclare Roger le Bussy.
200 compteurs intelligents ont ainsi été déployés, dès 2011, dans plusieurs immeubles à appartements situés sur le territoire de la commune. 600 autres le seront d’ici la fin de l’année auprès de consommateurs ayant soit un profil de “prosumer” (production d’électricité via panneaux photovoltaïques), de ménage lambda (maison unifamiliale 4 façades), ou de PME et professions libérales. S’y ajouteront 50 compteurs destinés à mesurer l’éclairage public dans diverses zones équipées en systèmes à dimming (zones concernées: un parc public, une zone résidentielle, une voie de circulation peu fréquentée la nuit).
“En l’absence de mesures contraignantes, les tests menés à ce jour portent uniquement sur les solutions techniques”
“Notre but, en choisissant divers publics, est d’acquérir des connaissances et des compétences en matière de mesurage et de déterminer les comportements de consommation. Les données récoltées ne seront pas transmises au marché [lisez: à une quelconque clearing house et, de là, aux fournisseurs d’électricité et aux clients finaux]. Il n’y aura pas de retour d’informations vers le consommateur.”
Le seul but est donc de fournir au GRD de nouvelles informations lui permettant de faire évoluer la gestion de son réseau, tant en termes purement techniques qu’en termes de dimensionnement et de choix stratégiques.
“Les relevés effectués nous ont déjà servi. Notamment pour mesurer la qualité et les dérives éventuelles de la tension fournie. Cela nous permet de mieux prévenir les problèmes, par exemple en cas de réinjection d’énergies sur le réseau. Les compteurs nous évitent par ailleurs de devoir procéder à des relevés sur chaque site.” Le GRD gagne donc en temps de main-d’oeuvre. Idem pour les ouvertures et fermetures de compteurs, “assez réguliers dans des immeubles à appartements”. D’où le choix de cette “cible” pour les premiers déploiements intervenus en 2011.
L’avantage de la commande à distance est également cité pour les consommateurs à profil de “client social”: ”nous pouvons, à distance, limiter la puissance, recalibrer les limites autorisées de consommation et ampérages.”
“De même, des clients ont désormais la faculté de souscrire à un niveau contractuel de prélèvement. S’ils dépassent le taux de consommation préétabli, ils se voient appliquer un surcoût. C’est un moyen, pour certains consommateurs, de juguler leur surconsommation puisqu’ils nous confient, par contrat, le soin de la juguler à distance.”
“Meten is weten”
Cette expression néerlandophone – “mesurer, c’est savoir” – s’applique parfaitement à la manière dont les GRD (notamment) envisagent aujourd’hui l’objectif des projets-pilotes de smart metering. “La finalité ultime des informations collectées sera, après analyse, de pouvoir calibrer de nouveaux tarifs et d’offrir de nouveaux servies afin que les usagers puissent déplacer leurs consommation en fonction des flux d’énergie sur le réseau. Mais, pour cela, il faut comprendre comment les gens se comportent. Notre but est de déterminer si un nouveau découpage horaire des tarifs suscitera une attitude proactive de la part des consommateurs. Ou s’ils répondent davantage à des signaux les incitant à enclencher ou déclencher des charges de consommation. Le but ultime est de réduire la facture globale en fonction du diagramme de flux sur le réseau.” Pour un GRD, souligne Roger le Bussy, l’équation est simple: “plus les gens consomment, moins le GRD exploite son réseau de manière optimale. Plus il doit investir. Plus les tarifs seront élevés.”
Ca, c’est pour le scénario le plus simple et le plus objectif. Nul ne pourrait toutefois prédire quels schémas de tarification/rentabilisation GRD et fournisseurs élaboreront demain sur base de profils et de comportements de consommation évolutifs…
Baliser les choix futurs
A Wavre, le choix des sites dont la consommation sera surveillée a donc été dicté par une volonté de panacher les profils observés (appartements, maisons unifamiliales dotées ou non de panneaux photovoltaïques, PME, magasins, sites Horeca, professions libérales…).
D’un point de vue plus technique, la Régie wavrienne a opté pour des relevés via communications GSM et GPRS. “Les relevés via PLC (power line) avaient déjà été testés ailleurs, notamment par ORES. Inutile dès lors de refaire la même chose, d’autant que les GRD s’échangent leurs expériences, via l’association Inter-Régies ou les commissions de Synergrid. Nous avons préféré tester les connexions GSM et GPRS afin de déterminer dans quelle configuration la couverture GSM est suffisante ou non. Début 2013, nous publierons en outre un cahier de charges afin d’effectuer un test avec la technologie Wifi, sans doute en Wimax. 200 compteurs intelligents seront déployés à cet effet, sans doute dans un quartier en zone dégagée. Les connexions se feront vers une seule cabine de concentration qui se trouvera sur le chemin du réseau fibre optique déployé par la Ville.
Ces tests nous permettront de déterminer quel vecteur de communications déployer lorsque la CWaPE [Commission wallonne pour l’énergie] donnera le feu vert pour un déploiement, qu’il soit ou non généralisé.”
Autre élément qu’étudie la Régie de Wavre: la fréquence des relevés. “Nous démarrons avec un scénario de relevé d’index mensuel. L’objectif est de déterminer où placer la barre: une fois par jour, par semaine, par mois, par quart-horaire… Les fournisseurs d’électricité demandent du quart-horaire, parce qu’ils désirent pouvoir acheter l’énergie sur le marché aux meilleures conditions possibles, en ayant une meilleure vision sur les fluctuations des appels à puissance. Des relevés une fois par jour nous semblent suffisants pour notre part, étant donné que l’objectif du test-pilote n’est pas de décider d’actions en fonction des niveaux de consommation mais de comprendre les profils de consommation.”
Le projet-pilote durera un an, jusqu’à fin 2013. “De quoi acquérir des connaissances et saisonnaliser nos actions, déterminer les types de services que nous pourrions offrir à l’avenir.”
Vue micro, vue macro
Parallèlement à la surveillance des consommations de particuliers ou de PME, des modules de surveillance ont également été installés au niveau des cabines haute tension “afin de suivre l’évolution et la qualité des charges. Cela nous permet de déterminer comment une cabine, un quartier vit, de déterminer quel effet ont les actions de la Régie sur le réseau. Lorsque le plan de tension évolue chez le client, on le constate en parallèle sur la cabine. Il est dès lors utile et intéressant de vérifier si une variation d’une action tarifaire a ou non un impact sur la cabine ou si l’impact de cette variation tarifaire est ou non suffisante par rapport aux objectifs visés.”
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