Frédéric Rasic (IMIO): “nous serons l’interface entre les pouvoirs locaux et le privé”

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Par · 24/09/2012

Frédéric Rasic prend officiellement ses fonctions de directeur général d’IMIO (Intercommunale de Mutualisation Informatique et Organisationnelle) en ce mois d’octobre. Il prend ainsi les rênes de cette intercommunale dédiée à la mutualisation des moyens IT, des réalisations applicatives mais aussi des bonnes pratiques IT au sein et entre pouvoirs publics. A savoir les communes mais aussi les CPAS, intercommunales et zones de police.

IMIO dévoilera sa stratégie dans les prochains jours ou semaines (nous aurons donc l’occasion de détailler son offre de produits et services plus largement par la suite) mais Frédéric Rasic a d’ores et déjà accepté de nous rencontrer, notamment pour réfuter certaines critiques et désamorcer certaines craintes qui s’expriment, avec plus ou moins de force, tant du côté des utilisateurs potentiels que des acteurs “traditionnels” qui craignent de voir s’instaurer une concurrence nocive, voire déloyale. “Procès d’intention”, dénonce Frédéric Rasic.


Un petit rappel pour commencer, pour mieux situer cette intercommunale. IMIO est née de la fusion des groupements Qualicité et COmmunesPlone qui, tous deux, développaient des solutions informatiques pour les pouvoirs locaux, en ayant recours pour ce faire à des solutions open source. La fusion fut initiée en 2010 par Paul Furlan, ministre en charge des pouvoirs locaux, qui voulait ainsi “éviter les situations de concurrence entre les différents groupements de communes, à consolider, rationaliser et renforcer le dispositif de mutualisation informatique, […] et à éviter la dispersion des moyens régionaux consacrés à la création de produits informatiques destinés aux pouvoirs locaux.”

Qui dit fusion de deux initiatives, dit souvent – sinon forcément – redondance de certains produits. Dans le cas d’IMIO, le choix technologique posé au départ fut de conserver le socle open source de CommunesPlone et d’y ajouter des fonctionnalités venues des développements de Qualicité, lorsqu’elles constituaient un complément ou une plus-value fonctionnelle.

La migration de solutions que cela a provoqué du côté des communes est largement entamée. “Pratiquement tous ceux qui ont adhéré à IMIO ont terminé l’exercice”, assure Frédéric Rasic. Il devra en tout cas être finalisé d’ici la fin de l’année, tout simplement parce qu’IMIO concentrera ses services de support sur un seul environnement dès 2013. A signaler aussi que quelques communes n’ont pas suivi le mouvement et se retrouvent donc avec des solutions IT dont elles assument seules la poursuite.


La continuité comme première règle

“IMIO s’inscrit dans la continuité de Qualicité et de CommunesPlone”, tient d’emblée à affirmer Frédéric Rasic. “La raison d’être de l’intercommunale est d’accompagner les pouvoirs locaux dans un travail de mutualisation des solutions informatiques, de les aider à industrialiser la mise à disposition de solutions qui répondent à des problématiques communes.” Le principe de base est en effet une mise en commun des solutions, qu’elles viennent du catalogue d’IMIO ou qu’elles soient le fruit d’un développement effectué par un pouvoir local, en interne, qui pourrait bénéficier à d’autres instances ayant le même besoin.

“L’intercommunale continuera de supporter et de faire évoluer les produits existants [hérités de Qualicité et de CommunesPlone et, entre-temps, harmonisés]. Cela concerne notamment la gestion des services techniques, des permis d’urbanisme, des délibérations (séances d’une assemblée délibérative), de contenus d’un portail Web, de gestion d’un guichet de téléservices… Un certain nombre de produits viendront encore s’y ajouter [et seront dévoilés à court terme]. Mais l’objectif n’est nullement de concurrencer des acteurs commerciaux tels Stesud et Adehis, fournisseurs traditionnels des pouvoirs locaux. Nous ne proposerons par exemple pas de solution de gestion comptable ou de ressources humaines. Pourquoi, en effet, redévelopper ce qui existe déjà?”

Une “opportunité” pour les acteurs privés

Loin de s’inscrire en concurrent, IMIO veut jouer la carte des partenariats, “qui seront initiés de telle sorte à nous adjoindre les services du secteur privé. Une sélection de partenaires interviendra à brève échéance.”

En principe, tous les appels d’offres devraient avoir été passés (ou en tout cas émis) avant la fin de l’année, de telle sorte à constituer rapidement un réseau de partenaires. Les marchés ainsi émis auront une durée de 3 ans mais seront renouvelables chaque année. Histoire de demeurer malgré tout flexible par rapport à l’offre.

Frédéric Rasic:  “Nous voulons nous profiler comme un interlocuteur privilégié du secteur privé.

“Nous sélectionnerons plusieurs partenaires par appel d’offre, qui seront classés en cascade. Mais ce ranking ne sera pas définitif. L’évaluation se fera en continu.” Par contre, aucun nouveau partenaire ne pourra intégrer les rangs du réseau avant l’échéance des 3 ans.

Et Frédéric Rasic le promet, “tout le monde aura sa chance, mêmes les développeurs individuels s’ils respectent nos critères de compétences et une exigence de réactivité. Nous ne jugerons pas une candidature sur base du chiffre d’affaires de la société mais bien sur sa maîtrise.”

Outre le désir d’éviter la confrontation avec les acteurs privés, cette volonté affichée de partenariat s’explique aussi par le fait qu’IMIO dit vouloir garder une structure légère: “nous n’aurons pas une armée de 50 ou 60 développeurs.”

Suppléer les insuffisantes internes

Une autre mission majeure d’IMIO est d’aider les pouvoirs publics [communes, CPAS, zones de police, intercommunales] à exprimer leurs besoins face aux acteurs privés. “Nous agirons, pour eux, à la manière d’une interface afin de formaliser leurs besoins, de les aider à choisir une solution ou un fournisseur.”
Cette aide prendra par exemple la forme de la rédaction d’un cahier de charges, de la définition de processus…

Les solutions, elles, seront proposées et implémentées par le privé. Mais, à ce niveau, IMIO jouera également les guides. “Compte tenu de la solution à implémenter ou du problème organisationnel à résoudre, nous conseillerons aux pouvoirs publics de travailler plutôt avec tel ou tel prestataire privé, identifié et sélectionné à l’issue des marchés lancés par IMIO.”

IMIO jouera également les centrales d’achat pour pouvoirs locaux. Là aussi en y incluant, pour ceux qui ne disposeraient pas des compétences nécessaires, l’initiation du cahier de charges.

IMIO ne sera pas pour autant la “bonne à tout faire”. Pas question de devenir le recours automatique pour la moindre tâche qu’une commune n’aurait pas envie d’assumer. Pas question non plus d’intervenir ou d’épauler de grosses municipalités qui disposent, en interne, des compétences nécessaires. “Nous serons là pour les petites structures. Pas pour de grosses communes telles Charleroi, par exemple, qui ont, en interne, les moyens nécessaires pour négocier et traiter en direct avec le privé.”

Un recours en cas de besoin

Une autre raison d’être d’IMIO est de servir de recours, même temporaire, lorsqu’une solution, venant du privé, implémentée par un pouvoir public, vient soudain à ne plus être supportée par son fournisseur d’origine. “Le pouvoir local se trouve alors particulièrement démuni. Dans ce genre de situation, il n’a d’autre choix que de changer le plus vite possible de solution. Nous voulons lui éviter de se retrouver sans solution aucune ou de n’avoir d’autre choix que de passer sous les fourches caudines de son fournisseur qui met un terme au support du produit x pour mieux imposer une migration vers une nouvelle version, qui s’avère être plus onéreuse ou imposer des investissements supplémentaires.”

La transition, le choix, les adaptations peuvent poser des problèmes- de temps, de ressources, de connaissances. “IMIO est dès lors là pour assurer la continuité.”

Pas question évidemment d’assurer la poursuite fonctionnelle d’un outil qu’un acteur commercial aurait décidé d’abandonner. Ne connaissant pas le produit, le code, la manière dont il a été développé, l’exercice serait pour le moins périlleux et aléatoire. Du moins dans le cas de packages. Les développement sur mesure pourraient être un cas à part.

“Avec une équipe de 15 personnes [et sans doute pas plus de 20 à terme], il nous serait impossible de supporter ne fut-ce qu’un seul produit”, souligne Frédéric Rasic.

Mais l’idée est “d’assurer une roadmap pour le pouvoir public, un soutien temporaire. De leur inculquer des mesures et pratiques à suivre avant de trouver une solution définitive.” Le seul objectif est d’assurer, en finale, la continuité du service presté par le pouvoir public. Mais ce rôle que se donne IMIO ne peut bien évidemment pas devenir un moyen larvé pour les prestataires privés de se délester d’un engagement de pérennité et de viabilité à long terme des solutions proposées. Parmi les critères d’attribution des marchés initiés par IMIO, celui de l’engagement de continuité à long terme sera tenu particulièrement à l’oeil.

La fibre open source

L’un des terrains où Frédéric Rasic convient qu’IMIO marchera peut-être sur certaines plates-bandes, c’est celui de l’open source. Qualicité et CommunesPlone étaient deux initiatives open source et IMIO continuera dans la même veine. Non seulement pour les logiciels de son crû mais aussi, dans une certaine mesure, pour la sélection de solutions tierces (privées) à acheter pour les pouvoirs publics ou à leur recommander. “Nous encouragerons de plus en plus les solutions qui sont entre les mains d’un ensemble d’acteurs. Là où la chose sera possible, il y aura pondération positive pour une solution open source par rapport à d’autres solutions, propriétaires, proposées dans le cadre d’appels d’offres.”

Et le “business model”?

IMIO est née à l’initiative de Paul Furlan, avec apport de subsides par la Région mais selon un scénario dégressif. Dès 2016, l’intercommunale devrait opérer en auto-financement.

“En ce qui concerne les logiciels, nous pratiquons un tarif variant selon la taille des communes. Telle implémentation représente en principe tel nombre de jours de prestations pour telle taille de commune, par exemple. Si des jours supplémentaires sont nécessaires ou s’il faut déployer d’autres fonctions, nous travaillons sur devis. Pour ce qui est des prestations organisationnelles, nous intervenons pour un nombre de jours limité. Contre rétribution. Si la charge de travail s’avère plus importante, nous faisons appel à notre réseau de partenaires (privés) qui remettent un devis. IMIO se charge par ailleurs de vérifier l’adéquation et la qualité du travail fourni. Dans tous les cas, nos propres prestations sont facturées pour couvrir les frais réellement engagés.”

“D’ici un an, nous devrions être autosuffisant à plus de 50%”, estime Frédéric Rasic.