Moins de 5%. Tel est le pourcentage moyen, pour l’Europe, de femmes investisseurs parmi la population de “business angels”. Un pourcentage qui se vérifie également en Belgique et qui n’est en rien représentatif du poids réel des femmes dans la vie active. Ce qui laisse présumer que certains obstacles doivent être levés.
Ce constat a été posé et documenté par diverses études, notamment par le rapport “Women & European Early Stage Investing” de l’EBAN, daté de novembre 2010). Il a poussé le réseau Be Angels, réseau de business angels actif en région francophone du pays, à imaginer un moyen d’attirer davantage de femmes vers le monde de l’investissement.
C’est ainsi qu’est né, en février de cette année, le club WBA (Women Business Angels).
Chaussure à leur pied
Le raisonnement tenu est que les femmes rebutent à se lancer dans cette aventure pour de mauvaises raisons, victimes bien souvent d’a-priori et de stéréotypes. “Les femmes sont trop passives”, explique Claire Munck, consultante en investissements à risque, gérante du nouveau WBA Club et par ailleurs active au sein de l’EBAN (l’association européenne des business angels). “Cela s’explique par un manque de formations sur la manière de devenir business angel et par un manque d’échange d’expertises.”
Les stéréotypes ont en outre la vie dure: “un business angel, dans nombre d’esprits, c’est nécessairement un homme de plus de 55 ans ayant plus de 100.000 euros à investir. C’est là un niveau de risque qu’une femme n’est pas prête à prendre. Mais le fait est qu’il est possible de prendre un risque davantage contrôlé. On peut parfaitement démarrer à 5.000 euros…”
Pour faire tomber les réticences et clichés, quoi de mieux dès lors que de leur créer un cénacle – “un microcosme” – qui leur soit réservé et auquel elles puissent donner une orientation plus proche de leurs motivations et sensibilités?
Les femmes parlent aux femmes
Une autre raison a motivé la création de ce club féminin. “Les femmes porteurs de projets n’osent pas toujours se présenter devant un panel de business angels masculin parce qu’elles ont le sentiment que leur projet n’est pas suffisamment innovant pour être retenu ou ne donne pas des perspectives de croissance suffisante pour retenir l’attention. Le fait est que les femmes ont une manière beaucoup plus conservatrice de présenter et de défendre leur projet face à un jury de sélection. Contrairement aux hommes, elles ne gonfleront pas les chiffres ou les perspectives mais présenteront leurs chiffres tels qu’ils sont en réalité. Elles ne parleront d’un contrat que s’il est réellement signé. Cette attitude risque de passer pour un manque d’ambition aux yeux d’un panel d’hommes… Voilà pourquoi il nous a semblé intéressant de proposer un jury de sélection qui soit uniquement composé de femmes qui jugeront les projets selon d’autres critères.”
“Pas – ou peu – de couche-culottes”
Le WBA Club ne fonctionnera pas pour autant en vase clos ou selon de quelconques règles d’exclusivité féminine. Les projets qui pourront se présenter au WBA Club pourront tout aussi bien être portés par des hommes. Et des échanges et passerelles (pour la transmission de dossiers, par exemple) sont planifiés avec le réseau Be Angels. “Mais si on peut favoriser des projets portés par les femmes, c’est tant mieux”, déclare Claire Munck.
Claire Munck (WBA Club): “Les femmes sont sous-représentées parmi les cercles de business angels. Il y a donc une sous-utilisation de la population potentielle d’investisseurs à l’heure où de plus en plus d’entreprises innovantes ont besoin de fonds privés.”
Même si le but est de juger des projets selon d’autres critères et de repérer des projets dans des secteurs plus proches du coeur des femmes, le WBA Club – excusez-nous l’expression – se défend toutefois de tomber dans… l’angélisme. “Nous ne sommes pas une organisation philanthropique”, souligne Claire Munck. “C’est avant tout la rentabilité du projet qui comptera.”
Les membres du WBA Club investiront, potentiellement, dans tous les secteurs d’activités, à l’exception de l’immobilier et de l’horeca. “Pas question de ne voir débarquer que des projets couche-culottes”. Mais il est vrai, confesse Claire Munck, que beaucoup de projets qui ont été proposés jusqu’à présent concernaient la petite enfance. Effet qu’elle espère simplement passager et qui, selon elle, confirme que les femmes entrepreneurs attendaient une initiative qui leur soit plus spécifiquement “compatible”.
“Au cours des 6 prochains mois, le Club espère bien investir davantage en IT, en clean tech… tout en essayant d’avoir aussi des dossiers dans le monde de la mode, des industries créatives, dans le “social innovant”. La diversité est nécessaire. Sans cela, nous ne motiverons pas les femmes investisseurs…”
Commencer par le b.a.-ba
“Les femmes ne gonflent pas leurs chiffres, ne parlent d’un contrat que s’il est réellement signé. Cette attitude risque de passer pour un manque d’ambition aux yeux d’un panel d’investisseurs composé d’hommes…”
L’un des premiers obstacles – un manque de connaissances et de formations – correspond également à l’attente prioritaire qu’ont les femmes candidates à l’investissement. “L’une des premières activités organisée par le WBA Club est donc une série de formations portant sur des concepts tels que la due diligence ou les relations financiers-entrepreneurs.”
Le WBA Club compte bien former les apprenties-investisseuses aux arcanes du business-angelism. En leur expliquant dès le départ les règles à respecter et en démontant les stéréotypes. Quelques exemples ? Ne jamais investir plus de 5% de son patrimoine. Ne s’engager que si on a suffisamment de temps à consacrer aux projets dans lesquels on investit. Avoir la possibilité d’investir de 80 à 100.000 euros dans un horizon à deux ou trois ans. “Suffisamment pour pouvoir participer aux tours de table suivants et se créer un vrai portefeuille d’investissement. Car il est vrai que si on ne peut investir que 10.000 euros, on a toutes les chances, statistiquement parlant, de les perdre.”
A la rentrée, le club organisera un nouveau cycle de formations portant sur 4 points jugés essentiels: l’analyse d’une équipe entrepreneuriale, les arcanes de la propriété intellectuelle et du droit des brevets, le pacte d’actionnaire, et la participation au comité de direction d’une start-up. Ce cycle de formations sera ouvert à toutes, et pas uniquement aux personnes évoluant déjà dans l’enceinte du club. “C’est une bonne occasion de mettre le pied à l’étrier, de voir de quoi on parle.”
Et, pour le club, de recruter…
Money poolong?
Pour inciter davantage de femmes à sauter le pas, le WBA Club envisage de mettre en oeuvre un mécanisme déjà testé avec succès dans certains pays, à savoir la mise en commun d’investissements individuels relativement réduits (de l’ordre de 10 à 15.000 euros par individu). “Cela permettrait de battre en brèche les réticences d’une débutante à investir gros. Autre avantage: ce pooling permet théoriquement de mutualiser le temps alloué au suivi des projets puisque l’on agit en équipe. Ce mécanisme a déjà été appliqué ailleurs, par exemple par le réseau GoBeyond. On le retrouve essentiellement dans des réseaux de business angels comptant beaucoup de femmes et de jeunes qui y voient un bon moyen de devenir business angel tout en ayant peu de moyens.”
60 candidates
Le club WBA a attiré à ce jour 60 femmes qui sont venues tâter le terrain lors des réunions mensuelles. Toutes ne s’engageront fort probablement pas comme membres mais les premières inscriptions ont néanmoins été enregistrées.
Leur profil? Aucune n’a de compétence en investissement dans des start-ups (preuve supplémentaire de la nécessité de les former). Toutes sont des femmes actives, essentiellement dans la tranche d’âge des 40-55 ans. Certaines viennent de grandes entreprises. D’autres en sont déjà sorties pour créer leur propre société. “Mais le pool le plus intéressant à nos yeux est celui des femmes en transition personnelle ou professionnelle. Elles ont en effet le profil idéal pour valoriser les activités du club et le club est pour elles un bon moyen de gérer leur propre transition: côtoyer des sociétés dans d’autres secteurs, apprendre à mener un exercice de due diligence, découvrir le monde de l’entrepreneuriat en rencontrant d’autres apporteurs de projets…”
A noter que les 60 premières “curieuses” sont de pures néophytes. Aucune ne vient en effet du réseau Be Angels. Les femmes qui y évoluent – et il y en a quand même quelques-unes – semblent pour l’instant suivre l’initiative de l’extérieur, avant peut-être de s’y investir elles-mêmes. C’est du moins l’espoir de Claire Munck.
Entre février et août, le WBA Club a tenu des réunions mensuelles au cours desquelles 8 projets, parmi la vingtaine de projets soumissionnés, ont été évalués en vue d’éventuels mises de fonds. A ce jour, un seul a été retenu. A savoir, BabyZoom, réseau social pour futurs parents et grand-parents. La hauteur de l’investissement devrait être connue d’ici peu, une fois que le Fonds de Participation aura entériné le dossier de son côté.
Le WBA Club continue de recruter, espérant compter de 10 à 15 femmes qui auront signé leur contrat d’adhésion.
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