A l’échelle mondiale, le secteur du jeu sérieux suscite les chiffres les plus fous- et les plus variés. Question de définition et de ”périmètre”, fort probablement. La fourchette est béante entre deux estimations relayées par l’AWT. D’une part, les chiffres avancés par le groupe Cegos: “plus de 52,6 milliards de dollars en 2010 et une croissance 15 à 20% par an”. De l’autre, ceux des rapports annuels Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe). Le rapport daté de 2010 parle d’un marché de 1,5 milliard d’euros en 2010, une croissance 47% par an jusqu’en 2015.
La seule catégorie des advergames a généré, en 2010, un chiffre d’affaires mondial estimé à 400 millions de dollars.
En 2011, selon Idate, le marché du jeu sérieux, était passé à 2,35 milliards d’euros. “A raison d’une croissance annuelle moyenne de 30%, cela devrait mener le marché à hauteur de 6,6 milliards d’euros en 2015”, soulignait Laurent Michaud, responsable de la “practise” Electronique grand public & Loisirs à l’Idate, lors de la présentation du rapport.
La progression s’infléchit toutefois (elle passe de plsu de 45% à 30%), notamment en raison du contexte économique défavorable, une demande encore peu soutenue (c’est le “push” de l’offre qui mène surtout le bal, pour l’instant) et “une phase de latence plus longue qu’attendue, en attente de maturité de la demande, voire de l’offre.”
Dans l’ensemble de ce marché, c’est incontestablement le marché américain qui demeure fer de lance puisqu’il pèse près de 70% du total. L’offre américaine, souligne Idate, “demeure très fortement soutenue par le gouvernement, via le soutien à des programmes de recherche, notamment via la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) et divers instituts de recherche dans le domaine de la santé. Autres sponsors et bailleurs de fonds, des fondations telles que Hopelab, York-Zimmerman, Robert Wood Johnson Foundation, et de grands acteurs (IBM, Chevron, Shell, BP, Hilton…).
Mais dans son rapport suivant, portant sur l’année 2011, l’Idate parle d’une tendance au tassement, du moins en termes de nombre de titres publiés. Entre 2009 et 2010, leur nombre a régressé de 33% “sans doute sous l’effet des investissements accrus par projet et d’une demande moins importante qu’anticipé”. L’Idate parle d’une “demande patente mais latente”. Comme si nombre d’acteurs et d’utilisateurs potentiels attendaient un signal, une confirmation d’utilité pour se lancer à l’eau.
Autre raison du recul: la diminution des appels à projets subventionnés par les pouvoirs publics. L’effet est sensible en France, où le marché des jeux sérieux attend une relance dans le cadre du Programme Investissements d’Avenir.
Le recul moyen de 33% (en nombre de titres) est encore plus marqué dans les segments Communications et Information grand public, alors qu’ils étaient es plus porteurs en 2005. “Modèle économique en cause?”, s’interroge l’Idate. Secteurs en progrès: la santé (+ 9%), la formation professionnelle (+ 7%).
La grande majorité des jeux sérieux sont destinés à l’Internet. Ceux destinés ou optimisés pour les dispositifs mobiles (smartphones, tablettes) étaient encore largement minoritaires en 2011. Ce qui devrait changer rapidement. Idem sans doute du côté de la TV connectée, où c’était encore le désert en 2011.
Quoi qu’il en soit, ces estimations soulignent la vitalité et le potentiel de ce marché. Le marché du jeu vidéo, en général, pèse aujourd’hui plus lourd, en chiffre d’affaires, que les marchés de la musique et du cinéma réunis.
Le rapport Idate parie par ailleurs sur un regain d’intérêt de la part des entreprises à partir de 2013, “tout particulièrement auprès des PME, chez qui la prise de conscience de l’existence de ces outils est encore limité.”
D’autres voix s’élèvent pour relativiser ce succès ou ces perspectives. En ce compris en France où la filière du numérique interactif a pourtant pris largement racine. C’est tout un écosystème qui s’est créé et continue de prendre de l’expansion: studios de développement, écoles enseignant le multimédia, écoles d’ingénieurs, soutiens et appels à projets tant régionaux que nationaux (subsides de régions, Grand emprunt), grappes telles que le Pôle Images de Lille, association SeriousgameLab, événements du genre e-virtuoses, …
Mais les écueils au développement restent notamment l’accueil prudent, dubitatif, voire réprobateur, des entreprises qui ne prennent pas encore le jeu au sérieux (sans jeu de mot) pour des finalités pédagogiques et qui font encore souvent obstacles à l’implantation de réseaux sociaux, et donc des jeux communautaires, dans leurs murs.
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