Comme tout phénomène naissant, l’interpénétration- ou la convergence- des supports de diffusion numérique (films, vidéo, réseaux sociaux, applications mobiles etc.) est la source d’un foisonnement d’initiatives parfois difficilement “classables”. C’est ainsi que des concepts tels que “transmédia” et “cross-média” (le multi-canal, pour parler français) ont tendance à s’entrechoquer. Petit détour, dès lors, par un préambule lexical. Histoire de planter le décor.
Le “transmedia” désigne l’utilisation parallèle, simultanée, dès le stade de la conception d’un projet média, de multiples supports audiovisuels, en vue d’une diffusion sur un maximum de médias et de formes d’écrans. Depuis la micro-lucarne d’un smartphone jusqu’au grand écran des salles obscures.
Le “cross-média” se situe un cran en-dessous dans la mesure où il s’appuie sur un support audiovisuel pré-existant pour lui donner, après coup, une autre dimension, plus universelle. C’est l’axe qu’a choisi au départ l’aide allouée par le programme Boost-Up de Creative Wallonia. A savoir: partir de l’existant (le cinéma) et l’exporter vers les autres supports.
Pour rappel, le “cross-media” avait été, en 2011, l’un des trois secteurs à bénéficier d’un programme d’aide Boost-Up dans le cadre de Creative Wallonia. “Le secteur des jeux sérieux est l’un de ceux qui présentent la plus belle croissance en termes de potentiel de création d’emplois”, soulignait le ministre Jean-Claude Marcourt à l’occasion du salon SeriousGame.be. “Il s’inscrit dans le principe d’un réseau d’acteurs qui pourra devenir, demain, un réseau d’innovateurs, donnant naissance à un écosystème innovant. Ce qui nous a poussé à inclure le cross-média dans le cadre de Creative Wallonia dont l’objectif est d’apporter un soutien aux pratiques innovantes.”
Le gouvernement wallon avait débloqué une double enveloppe de 400.000 euros, confiée à Wallimage, pour financer des projets de “digital promotion” (utilisation de supports tels que les applis mobiles ou les réseaux sociaux pour promouvoir des films et séries) et de “digital extension”. Ce volet vise à “aider ceux qui font du transmédia mais en partant des médias classiques que maîtrise mieux Wallimage. C’est-à-dire les films, les séries télévisées…”, explique Philippe Reynaert, directeur de Wallimage.
A ce jour, plusieurs projets ont bénéficié de l’action Digital Promotion. Citons ainsi Approved for adoption (avec l’intervention de DogStudio pour la création du site Internet et Fishing Cactus pour l’application mobile), Le magasin des suicides (Defimedia, Aftertouch, Yakafaire, Kweb), Dead man talking (Defimedia, Belle Productions) ou encore Torpedo (DogStudio, Fishing Cactus).
En 2012, le budget passe à 1 million d’euros. “La phase-test a en effet donné de bons résultats”, estime Jean-Claude Marcourt. “L’initiative sera donc reconduite” et même étendue à un troisième axe, baptisé “Digital Experience”.
Objectif: “élargir l’optique à des projets non encore couverts par les deux premiers axes”. Et cela pourrait potentiellement concerner les jeux sérieux.
Rajeunir l’audiovisuel classique
Le secteur, en tout cas, espère que ce support financier accordé à la convergence entre cinéma et jeu sérieux- le second servant d’outil de promotion et d’élargissement de cible pour la diffusion d’oeuvres de fiction- lui ouvrira de nouvelles perspectives. Et constituera un appel d’air pour de nouvelles vocations ou initiatives.
Comment pourrait se matérialiser le rapprochement d’intérêts entre Wallimage et la grappe Serious games? “Le jeu sérieux suscite l’engagement du joueur et est à même d’élargir l’audience, d’attirer davantage de personnes vers l’univers du film”, estime Philippe Reynaert. “Le monde de l’Internet est très engagé – au sens d’implication personnelle, spontanée. Le financement pourrait servir à développer un cocktail alliant notamment applis, Web 2.0, réseaux sociaux… Dans le cadre de Creative Wallonia, nous sommes invités à ouvrir une nouvelle ligne d’action, baptisée Digital Experience, qui va nous amener à tenter des choses plus éloignées de notre core business, à savoir la fiction. Il n’est donc pas impossible qu’au cas par cas, nous favorisions la mise en production de jeux sérieux qui vivront leur propre vie, sans recourir à la fiction proprement dite. Au lieu de parler de Digital Experience, je serais peut-être tenté d’appeler d’ailleurs cet axe Digital Exploration parce qu’on ne sait pas encore très bien vers où cela va nous mener. Les choses bougent tellement vite…”.
Wallimage pourrait donc sortir de son cadre traditionnel. Une perspective dont Philippe Reynaert se réjouit: “J’espère qu’on ira aussi loin de notre camp de base que possible. Si tel est le cas, nous aurons bien sûr encore besoin de beaucoup plus d’argent. Les 200.000 euros de budget supplémentaire dont nous bénéficions aujourd’hui n’autorisent sans doute qu’un maximum de 3 expériences-pilote. Si dans 6 mois, l’expérience est positive, je suis sûr que cela permettra de trouver de nouveaux financements, potentiellement auprès d’autres sources.”
Pour justifier sa nouvelle mission, Wallimage devra toutefois faire en sorte que ce “voyage au-delà de son camp de base” soit suffisamment novateur et porteur de valeur nouvelle. “Wallimage intervient aujourd’hui comme un label qui donne du crédit à une entreprise désireuse de développer quelque chose d’innovant et de créatif. Cela implique en effet que nous fassions bien plus qu’améliorer quelque chose de déjà existant.”
Mais, à ses yeux, le tournant doit être pris dès aujourd’hui: “si le cinéma ne bouge pas, il va se prendre une claque magistrale. Ce n’est plus une perspective, c’est une réalité. Aujourd’hui. Il faut que le cinéma – et le cinéma local – prenne pleinement conscience du défi et du danger immédiat. Les ados sont de grands dévoreurs d’histoires mais ils se fichent complètent du support qui leur procure cette histoire. Ils choisissent celui qui rencontre le mieux leurs attentes.”
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