Passer de la machine à vapeur au numérique. Faire des enseignants des “médiateurs d’apprentissage”. S’appuyer davantage sur les initiatives des professeurs. Passer du mode transmissif au mode actif. Ce sont les enseignants qui réinventerons l’enseignement, pas les ministres..
Telles sont quelques-unes des petites phrases qu’on a pu entendre lors de l’événement “Réinventer l’enseignement” qu’organisait le MIC, ce lundi, à Liège.
Pour sa deuxième édition, la conférence Innov@MIC, organisée par le MIC de Mons, avait misé sur la délocalisation. Tant en termes géographiques puisque la conférence se tenait à Liège qu’en termes de contenu puisque le MIC s’aventurait pour la première fois sur le thème de l’enseignement, qui est sensiblement plus large que celui de la formation qui figure sur son descriptif d’activités.
Une série d’orateurs avaient été invités soit pour poser le diagnostic, soit pour proposer des pistes de réflexion et de renouvellement d’un enseignement qui, en partie francophone du pays tout particulièrement, peine à se mettre au diapason des nouvelles technologies – et des nouvelles générations d’apprenants.
La première intervention fut celle du Ministre Jean-Claude Marcourt, présent en raison de sa casquette Nouvelles technologies, plus que celle de l’Enseignement supérieur. Il n’en a pas moins émis certaines considérations sur le besoin de changer les structures de l’enseignement. Outre le constat que “le champ des savoirs et de leur transmission va nécessairement évoluer” à l’avenir et que tout, en ce compris la formation des maîtres serait bouleversé au cours des 10 prochaines années, il laissait traîner une petite phrase du genre: “il faut certes réinventer l’université mais il y aura des réticences à combattre. Il faut sans doute se pencher d’abord en priorité sur l’enseignement technique et professionnel où, dans certains cas, il faut presque passer de la machine à vapeur au numérique.”
Et d’enchaîner: “l’essentiel est d’avoir une réflexion sur l’enseignement. Demain, un professeur ne devra plus enseigner [Ndlr: au sens strict du terme] mais comprendre le niveau d’information de ses élèves, les aider à faire le tri des savoirs, enseigner la critique de ce qui est su plutôt que de transférer la connaissance vers l’élève. […] L’IT n’est pas tellement un outil technologique de révolution mais un outil d’évolution de notre société.”
Du plan quinquennal à l’intelligence collective
Benjamen Nizet (enseignons.be) décochait pour sa part une flèche à destination non seulement des plans de grande envergure qui finissent par décevoir et mais aussi à destination des vaines jérémiades sur l’état de l’enseignement. Que diable! Pourquoi ne pas exploiter la piste de l’”intelligence collective”, du crowdsourcing? Laissons phosphorer les enseignants, applaudissons aux initiatives que certains d’entre eux prennent mais qui végètent ou meurent de leur triste mort faute de support (moral et financier). La réinvention de l’enseignement ne viendra pas des ministres, soulignait-il, mais plutôt de la collectivité des enseignants. Si, du moins, on leur inculque de nouveaux automatismes, faits de partage d’expérience, de mutualisation de contenus. Envie de changer l’enseignement? Faisons-le ensemble.
Marcel Lebrun (IPM, Institut de pédagogie universitaire et des multimédias de l’UCL), revenait pour sa part sur la manière dont l’enseignement doit appréhender les savoirs. “Nous étions des terriens. Nous devenons des marins. Plus besoin de lire des cartes, il nous faut des sextants pour nous repérer dans les savoirs. […] Pour que les choses changent, il faut que la pédagogie change. Il faut passer du mode transmissif au mode actif.”
Selon lui, se borner au mode actuel de transmission ou de transfert de connaissances de l’enseignant vers l’élève est une voie sans issue. “Pour du pur transmissif, l’enseignant peut être remplacé par une vidéo.”
Le paradigme a changé: “les nouvelles technologies permettent de vaincre l’espace-temps”. Par exemple, en établissant des flux d’enseignement, en synchrone ou asynchrone, entre la Belgique et l’autre bout de la terre. Selon lui, il faut inverser le modèle, refaire de la classe ou de l’amphithéâtre un lieu d’apprentissage et non d’enseignement mono-directionnel, passif.
“Les technologies et les outils permettent de transporter l’enseignement en tout endroit, de repartir en arrière autant qu’on veut dans un cours, au rythme que l’on veut. Par contre, pour l’apprentissage, il est utile d’exploiter le temps en amphithéâtre pour faire des activités et de l’interactivité [avec les étudiants].” Par exemple pour lancer la discussion sur une leçon apprise ailleurs, échanger avis et parcours, “réinstaurer un moment de construction de connaissances”.
BYOD, version scolaire
Pour sa part, après avoir rappelé chiffres et statistiques (peu brillants en termes de taux d’équipement des écoles wallonnes), André Delacharlerie, expert auprès de l’AWT, y allait d’une petite proposition : pourquoi ne pas considérer la tablette numérique comme “ce cartable numérique dont on parle depuis des années?” Elle a, selon lui, en dehors de ses qualités fonctionnelles intrinsèques, un avantage majeur pour les budgets publics: c’est un outil personnel qui est acheté par… les parents. “Le concept du BYOD – Bring Your Own Device – vaut aussi dans le monde de l’enseignement.”
Bonne nouvelle donc pour les budgets rares et étriqués? Coup de pouce pour oublier ces plans d’équipement qui ne mènent guère à grand-chose ou qui prennent des retards pharaoniques? L’assertion est sans doute un rien simpliste, simplificatrice. Tous les ménages n’auront pas forcément les moyens d’acheter ce genre de “joujou” (du moins en est-il encore un, à l’heure actuelle, à maints égards). Quid par ailleurs de l’obsolescence accélérée du moindre modèle? Quid aussi de l’homogénéité des systèmes (OS, fonctions, accès aux contenus…)? Et que dire d’un choix mono-device alors que les équipements IT se diversifient (PC, tablettes, smartphones et successeurs éventuels)? Quid de la problématique du WiFi dans les écoles?
Au moins son propos avait-il le mérite de relancer la discussion.
Dernière remarque: la “réinvention” de l’enseignement devra nécessairement en passer par une réinvention – ou, à tout le moins, un sérieux dépoussiérage – des discours et des arguments. Certains orateurs ont vu leurs exposés se faire incendier par quelques fondus de tweets, présents dans le public. Cela aussi est un signe de temps qui changent!
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