Le baromètre de l’AWT dresse un premier tableau du secteur IT en Wallonie. Première étape vers la définition d’une cartographie qui servira de base à une politique de promotion de la croissance et d’identification de “pépites” pouvant reproduire des succès tels ceux connus par IRIS ou EVS. Car, pour réussir, les sociétés IT locales doivent grandir. Le constat n’est pas neuf et elles l’ont d’ailleurs compris. Mais, en dépit de leur (bonne) volonté, les moyens et ressources, souvent, font encore défaut ou sont difficilement exploitables.

Dans le cadre de son traditionnel Baromètre TIC de la Wallonie, l’AWT s’est arrêtée cette année sur le secteur ICT proprement dit. Pour l’occasion, deux catégories de sociétés ont été définies: les petites entités (PE) et les “entreprises à haute valeur ajoutée” (EHVA). Ce qui ne veut pas dire – ce serait leur faire injure – que les petites entités ne peuvent pas représenter une “haute valeur ajoutée”. Mais l’AWT définit ce concept par une confluence d’au moins deux des paramètres suivants: société innovante, exportatrice, comptant plus de 10 personnes. “En accord avec Agoria et l’Infopole Cluster TIC, nous avons décidé de cette catégorisation parce que les deux types d’entreprises présentent des comportements différents”, souligne Renaud Delhaye, expert e-business à l’AWT.

Au-delà des segmentations, il est un train commun qui réunit EP et EHVA: “le secteur IT wallon est à la recherche de spécialisation.” Cela se traduit par un souhait et, parfois, un travail de reconcentration sur un produit ou une technologie spécifique, autour duquel, ou de laquelle, la société développe une série de services. “C’est là une claire tendance par rapport à notre étude précédente (2009).” Il ne s’agirait pas tant, selon Renaud Delhaye, d’une conséquence de la crise mais plutôt de la présence de ces sociétés à l’international. Pour y maximiser leurs chances, elles préfèrent se concentrer sur une spécialisation qui leur assure une meilleure visibilité et une meilleure chance d’émerger de la mêlée. “Bien entendu, cela les expose aussi à un risque certain. En cas de coup dur, elles n’ont pas ou peu de filet de sauvetage.”

Actuellement, toutefois, “pour cause d’étroitesse de marchés, de nécessité de réagir promptement aux opportunités d’affaires”, la plupart des acteurs locaux continuent de diversifier leur offre.

Bottom up ou top down ?

Si Renaud Delhaye déclare que le besoin de spécialisation est un constat posé par les entreprises elles-mêmes, il est aussi et peut-être encore surtout un leitmotiv que défendent des acteurs tels Agoria et Infopole Cluster TIC. Cette volonté esquissée d’“en haut” rencontre celle venue de certains acteurs de terrain mais correspond plutôt à une stratégie, validée par le gouvernement dans le cadre du Master Plan TIC, qui doit encore se concrétiser. A la fois dans les actes, dans les décisions de mobilisation et dans la mise à disposition de moyens. La rentrée, espère-t-on en coulisses, pourrait être porteuse de nouvelles perspectives.

Ce sera d’ailleurs une nécessité, d’autant plus qu’une stratégie de spécialisation impose de pouvoir innover et se démarquer durablement des concurrents. Et, dès lors, de disposer des fonds nécessaires.

Or, le constat reste implacable: “environ la moitié des entreprises déclarent qu’il leur est difficile d’accéder à des capitaux à risques. Elles doivent donc souvent se contenter de fonds propres, ce qui se traduit par un développement plus lent ou par l’impossibilité de dépasser une certaine taille.”

Prochaine étape: viser la croissance et identifier les “pépites”

Tout l’enjeu de l’essor ICT local est là. Comme le rappelle Thierry Castagne, directeur général d’Agoria Wallonie, un vaste exercice d’audit de l’existant, d’identification des forces et opportunités, de détection des “pépites” qui présentent un potentiel de développement innovant a été initié dès la fin 2010. Les résultats que publie l’AWT dans son Baromètre 2012 ne sont qu’un premier cliché d’une situation existante. La deuxième étape, en cours, consiste à élaborer une véritable cartographie “qui identifie des porteurs de croissance, comme le furent IRIS ou EVS. Cette cartographie doit servir à pointer des domaines technologiques ou des marchés, dans une volonté de cohérence technologique et de différenciation, en ce compris à l’international. Il s’agit de définir, de faire valider et de développer une politique sélective qui booste les secteurs prioritaires de croissance identifiés.” Parmi eux, par exemple, l’e-santé ou des technologies telles que la mobilité ou l’Internet des objets. Et à cet égard, il n’y aura pas de segmentation ou de catégorisation qui tienne, les “pépites” pouvant tout aussi bien se trouver parmi les “petites entités” que parmi les sociétés estampillées EVHA par l’AWT.

Le nerf de la guerre

En quête de fonds pour alimenter leur volonté de croissance ou de développements, les entreprises attendent que se mettent en place de nouvelles sources de financement. Des initiatives se créent, autour d’investisseurs, de business angels, par exemple, mais restent par définition limitées. En la matière, l’AWT voudrait faire progresser certaines attitudes nouvelles, qu’on dit en voie de cristallisation. Telles que la consolidation des multiples invests, le renforcement des bourses à l’innovation orientées services et processus (et plus uniquement produits) ou encore la nécessité de mieux structurer l’information aux entreprises. En évitant les compartimentages entre AWT, AST, ASE etc.

Carence de profils

71% des sociétés wallonnes disent éprouver de “graves difficultés” pour embaucher du personnel. Principaux profils en carence: développeurs, analystes programmeurs, responsable de projets IT ou responsables technico-commerciaux. “Un problème plus aigu encore qu’à Bruxelles ou en Flandre”, estime Renaud Delhaye. En cause notamment, “une perception erronée de ce qu’est l’IT auprès des jeunes, perception qui perdure en dépit de campagnes de sensibilisation telles celle d’Agoria, qui devrait être intensifiée, ou une inadaptation des cursus.” A cet égard, il recommande de modifier en profondeur le type de compétences qu’inculquent les établissements d’enseignement. “Il faut mieux combiner profils technologiques et formations commerciales. Les profils techniques sont trop exclusivement techniques. La formation des ingénieurs commerciaux n’est pas orientée IT et c’est bien dommage quand on voit les besoins en responsables technico-commerciaux. Les cursus doivent être davantage multidisciplinaires. Il faut rendre les gens plus flexibles, les former par exemple aux concepts et principes de la programmation plutôt que de leur enseigner un langage qui sera dépassé dans trois ans.”

Pour plus de détails et un florilège de chiffres, consulter les détails du Baromètre via le site de l’AWT.

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