Jobs@Skills: “devenir un pôle-référence en formations continues de haut niveau”

Portrait
Par · 05/12/2019

Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter Jobs@Skills, cette “structure pédagogique collective” chargée d’explorer et d’innover en matière de nouvelles technologies et approches pédagogiques dédiées à la formation continue et à la mise à niveau des compétences de personnes actives et, surtout, de les tester, évaluer, incuber, faire maturer pour appropriation ultérieure par les établissements de formation et les entreprises ou industriels. Relire notre article (mars 2019)

Plusieurs mois après son lancement effectif et dans la perspective de ce qui attend le marché, les entreprises et les industriels en termes de développement ou remise à niveau de compétences (métiers et processus), qu’est-ce que Jobs@Skills prépare ou a déjà planifié pour 2020?

Voici un petit aperçu.

Devenir un pôle de référence

Avec seulement deux techno-pédagogues et un technicien audiovisuel, il est évident que Jobs@Skills ne peut être une “usine à produire des contenus pédagogiques”. Ce n’est d’ailleurs pas l’objectif, souligne François Strykers, directeur de Jobs@Skills.

“Pendant l’année 2019, nous avons développé deux MOOC et un SPOC. Notre capacité maximale est de quatre ou cinq MOOC par an, un SPOC de grande envergure, ou dix petits projets, du genre capsules.”

Le rôle fondamental que le directeur de Jobs@Skills voit sa structure jouer à l’avenir est ailleurs: 

“Nous voulons être des référents, nous inscrire dans un modèle de veille constante et de mise à disposition d’équipements de pointe.”

Le but n’est pas de devenir un gros centre de production de contenus pédagogiques “2.0” ou “4.0” mais plutôt “d’être un laboratoire, à la pointe de l’innovation, faisant le tri de ce qui se fait” (voir plus bas dans l’article sur le côté “création pertinente”.

 

François Strykers (Jobs@Skills): “Nous voulons avant tout être un labo à la pointe de l’innovation, procurer conseils et avis [aux acteurs académiques et industriels] sur l’utilité qu’il y a ou non pour eux de recourir à tel ou tel outil ou technique dans leurs formations. Dans un premier temps, nous les aidons à produire pour qu’ils deviennent ensuite autonomes.”

 

“Notre ambition est d’aider à la formation de ressources pédagogiques et à la création et au déploiement de techno-pédagogues professionnels chez chacun de nos partenaires – qu’il s’agisse d’un établissement d’enseignement supérieur, d’un organisme de formation ou d’une entreprise.

A terme, toute société d’une certaine taille devrait disposer au moins d’une personne formée au lifelong learning et aux nouvelles techniques d’apprentissage. Un directeur des ressources humaines, par exemple, devrait avoir les compétences nécessaires pour permettre à sa société de se muer en entreprise apprenante.”

Chose dont on est encore loin mais qui est une nécessité grandissante à l’heure où le numérique investit tous les niveaux des entreprises, des métiers et des tâches et où les compétences, numériques notamment, ont non seulement tendance à se diversifier mais aussi à tomber rapidement en obsolescence.

“Du côté des entreprises et des industriels, les centres de compétences techno-pédagogiques internes [levier de lifelong learning] font encore largement défaut. Par manque de temps ou de prise de conscience…

Il est dès lors nécessaire de développer une véritable réflexion – sur ce qu’il faut apprendre, sur les contenus de formation et d’apprentissage qui peuvent être numérisés et sur la manière de faire évoluer les compétences en interne.

François Strykers (Jobs@Skills): “Cela fait sens que le secteur public finance une dynamique de création et d’utilisation de nouveaux modes d’apprentissage afin de générer une dynamique apprenante en entreprise.”

Cela fait sens que le secteur public, pendant un certain temps, finance une dynamique en la matière afin de générer un réflexe apprenant en entreprise.”

De même, du côté des établissements d’enseignement, François Strykers estime qu’ils devraient tous disposer d’au moins une personne “qui puisse monter à bord de ces nouvelles techniques pédagogiques et les diffuser au sein de l’établissement. Quelqu’un qui soit éveillé à ces enjeux et nouvelles approches et qui puisse les proposer chaque fois que cela fait sens pour la formation des étudiants, sans toutefois tomber dans le piège de la gadgétisation.”

Pour l’heure, le temps utile de l’équipe Jobs@Skills est divisé entre développement et production, initiation d’éventuels futurs techno-pédagogues, démos et “autonomisation”, et formation de formateurs. Plus un important volet d’évangélisation, notamment pour convaincre entreprises et professionnels de se lancer dans l’e-learning.

Sans oublier – activité tout aussi essentielle que les autres – une veille constante de ce qui se produit et créée dans le monde de l’e-learning.

Créer et transformer

Les contenus distanciels (voir encadré ci-dessous pour un petit brin de terminologie) ANCRE que propose ou proposera Jobs & Skills, en collaboration avec des partenaires (académiques ou industriels), sont soit des contenus conçus de toutes pièces, soit trouvant leurs racines dans des cours classiques (en présentiel) existants (niveau bac ou master), soit encore le fruit d’une réutilisation à partir de contenus d’e-learning développés par d’autres acteurs, en ce compris à l’étranger, repris comme tels ou adaptés au contexte local.

Un rien de termino…

MOOC : Massive On Line Course (cours en ligne ouvert et massif, en français). Des cours interactifs, librement accessibles par tout qui est intéressé par le sujet ou le thème. Les participants peuvent être très nombreux (jusqu’à plusieurs milliers). Ils ont recours à une palette plus ou moins riches d’outils enrichissant et dynamisant le contenu: le professeur agrémente son exposé en injectant des vidéos, des slides, en connectant un tableau blanc interactif ou un “live board”

SPOC : Small Private Online Course. Sorte de MOOC privé, destiné à un nombre limité d’apprenants (étudiants ou salariés). Le contenu est généralement très spécifique et pointu, voire “sur-mesure”.

COOC :  Corporate Online Open Course ; formation concoctée par une entreprise, soit à destination de ses propres salariés, soit à destination de ses clients ou prospects.
L’accès à un COOC externe est libre ou réservé à un public de clients et prospects à qui des droits d’accès personnels ont été précédemment octroyés.
Un COOC interne est un contenu fermé, réservé aux seuls employés.

Présentiel : formation s’effectuant sur site, en amphithéâtre ou en classe.

Distanciel : formation donnée, diffusée à distance, via Internet.

Live board : tableau blanc interactif et participatif.

Pour les contenus d’origine bac ou master, les deux collaborateurs au profil de techno-pédagogue de Jobs@Skills passent ces contenus à la moulinette, afin de les adapter à une utilisation de type formation continue pour une audience de professionnels et personnes actives. “Pendant les études supérieures, on fait généralement le tour complet d’une matière, on voit la théorie, l’historique, sans forcément appliquer une approche applicative”, explique François Strykers.

“A contrario, ce qui intéresse les professionnels, ce sont des contenus plus courts, de savoir quelles sont les applications de la matière ou de la technologie enseignée, comment faire, combien ça coûte à l’entreprise, quel est le ROI.

Les contenus doivent pouvoir être transposés directement dans la pratique. L’approche est davantage du problem-based learning.”

Créer de nouveaux contenus ou de nouvelles méthodes est une chose. Mais, comme le souligne le directeur de Jobs@Skills, il faut aussi éviter de s’épuiser inutilement à réinventer des idées et des contenus qui existent déjà, de manière satisfaisante, ailleurs. D’où l’importance du travail de veille constante. “Notre action consiste donc aussi à procéder à du benchmarking pour créer des trajets d’apprentissage utilisant des modules existants, en ne produisant nous-mêmes que ce qui représente une plus-value.

 

François Strykers (Jobs@Skills): “Demain, le rôle des formateurs consistera pour une bonne part à évaluer et certifier des modules de formation existants, à sélectionner les modules pertinents et à proposer aux apprenants des trajets originaux, en s’appuyant sur ce qui se crée chaque jour.” 

Les formations en préparation

Petit à petit, Jobs@Skills se construit un catalogue de formations dématérialisées (webinaires, cours en-ligne “massifs” ou privés, capsules vidéo…) pouvant être diffusées et suivies en pur “distanciel” ou en mode mixte (présentiel-distanciel), en temps réel ou en différé.

Jobs@Skills a d’ailleurs récemment inauguré sa propre plate-forme de contenus, alors que, jusqu’ici, les premiers contenus étaient encore hébergés sur la plate-forme de l’ULiège, partenaire du centre.

Toute une série de secteurs sont déjà visés: construction, transformation du bois, industrie 4.0, santé et biotechs, exploitation des données satellitaires, tourisme durable…

Source: Jobs@Skills

Quelques exemples.

Dans le secteur de la construction, l’un des thèmes visés est celui de la formation au BIM (building information modeling): nouvelles technologies de captation, géo-coopération… Les développements de contenus sont encore en cours. Objectif: disposer des premiers contenus au printemps 2020.

Un MOOC a été réalisé sur le thème du tourisme durable, en collaboration avec plusieurs Hautes Ecoles et le Commissariat Général au Tourisme. Cible: les professionnels du tourisme ou quiconque s’intéresse à cette question.

Deux SPOC ont été conçus dans le domaine de la santé/biotech, l’un dédié à la qualité pharma, l’autre destiné à former des personnes étant appelées à utiliser des équipements de chromatographie en phase liquide à haute performance. L’appareil a été “virtualisé” via scan 3D et création d’une maquette virtuelle pleinement fonctionnelle, permettant ainsi de s’exercer à son utilisation (en mode visuel voire même avec casque de réalité virtuelle) avant de passer aux travaux pratiques sur équipement “réel”.

Le but est de former davantage d’apprenants, de réduire les coûts (en limitant les achats de matériels). Les contenus de formation seront accessibles aussi bien aux étudiants, aux personnes en recherche d’emploi qu’au personnel de sociétés pharmaceutiques/biotech (plusieurs responsables RH se sont dits intéressés pour former leur personnel).

Dans le domaine de l’exploitation des données satellitaires, c’est avec le Grand-Duché de Luxembourg qu’une collaboration est en train de se nouer. Relais belge: le site de l’ESA à Redu et, côté expertise académique, l’ULiège.

Objectif: concevoir des modules de formation portant sur la valorisation des données spatiales afin de développer de nouveaux services aux entreprises. Les développements sont prévus pour 2020.

Un pôle luxembourgeois

Le périmètre d’action de Jobs & Skills couvre à la fois les provinces de Liège et de Luxembourg.
Afin de rendre son action plus efficace, plus proche du terrain, Jobs & Skills, aujourd’hui basé à Liège, prépare l’ouverture d’une antenne en terre luxembourgeoise.

Plusieurs domaines d’activités, caractéristiques de l’économie locale (actuelle ou future), justifient en effet une présence locale: industrie du bois, exploitation de données spatiales, industrie 4.0 voire même construction durable.

L’antenne devrait ouvrir ses portes au printemps 2020 et sera animée par un coordinateur et deux autres personnes (un gestionnaire de projets et un assistant administratif – homme ou femme, évidemment). Le site luxembourgeois sera également équipé d’un espace techno-pédagogique pour la création ou l’utilisation de contenus d’e-learning, mais avec un matériel moins riche qu’à Liège qui restera le pôle majeur.

A Liège, Jobs@Skills fonctionne sur deux sites. L’un, au centre-ville, accueille deux salles pour diffusion de cours en-ligne, en mode webinaires, MOOC, SPOC…, ainsi qu’une “innovative class room” (sessions en temps réel ou différé, vidéoconférences, formations en présentiel ou distanciel – ou mixte). Avant un déménagement du site du centre-ville, d’ici deux ans, vers le site du Val Benoît (Quai Banning).

Le Sart Tilman (ULiège), pour sa part, accueille le studio de production et post-production de contenus e-learning multimédia.

L’incubateur Espace de Redu pourra ainsi rajouter une corde à son arc et proposer des sessions de formation continue à destination des entreprises. Voir également l’encadré ci-contre.

Industrie 4.0. Cette thématique est co-construite et gérée avec Technifutur et est abordée à travers divers outils d’apprentissage et de formation: une usine virtuelle, une ligne robotisée et une digital twin academy, cette dernière permettant de se former via simulation “nouvelle génération” des processus industriels (le modèle virtuel de l’environnement physique, de ses composantes, paramètres et contraintes, est directement alimenté avec des éléments d’information venant du monde réel, simule et calcule des scénarios, par exemple pour de la maintenance prédictive, les injecte dans l’environnement réel, le tout dans une boucle d’évolution permanente).

L’usine robotisée qui sera installée chez Technifutur (en principe en février 2020) pourra exploiter des contenus et modules de formation développés par Jobs@Skills avec ses partenaires (notamment des Hautes Ecoles), par exemple dans le domaine des langages de programmation, de la maintenance de robots…

Dès janvier 2020, un module de réalité virtuelle devrait être développé afin de permettre aux apprenants de s’initier à l’utilisation de robots industriels en mode virtuel, avant de passer à l’utilisation des véritables robots en cours de formation.

Les formations destinées à la “Cyber-factory” se concentreront sur des sujets tels que l’Internet des Objet, la robotique mobile, le lean management ou la gestion des données. Sur base de contenus pédagogiques créés ou réutilisés par Jobs@Skills, venant d’autres sites de formation (université de Nantes, Haute Ecole Thomas Moore…).

A noter que les étudiants interviendront eux-mêmes dans le développement de certains contenus destinés à l’environnement digital twin, sorte d’exercice de travail pratique dans le cadre de leur propre formation.

Des modules de formation classiques, dans le secteur de la construction (durable), seront transposés en contenus d’e-learning pour professionnels. L’évaluation des contenus est en cours, en collaboration notamment avec le CSTC (centre scientifique et technique de la construction) et des professeurs de Hautes Ecoles. Démarrage prévu pour janvier 2020.

Formation Smart Metering pour acteurs de la distribution d’eau…

Dans le domaine de la gestion de l’eau et des “villes intelligentes”, des cours en-ligne sont également en préparation, s’appuyant sur les modules “smart metering” (aide à la décision) mis à disposition dès le premier semestre 2019. Le contenu développé a inclus des dimensions autres que purement techniques: changement de culture d’entreprise, sécurité des données, RGPD…

Les nouveaux modules s’adresseront à la thématique “smart water”, utilisables à la fois par les acteurs de la distribution d’eau et par des sociétés actives dans le traitement (épuration…) des eaux, voire pour la gestion et prévention de crues.

Lancement prévu courant 2020, avec partenariat avec une école d’ingénieurs de Strasbourg.

Dans le secteur du bois et de sa transformation, les cinq ateliers-conférences qui se sont déroulés en 2019 (cours avec visite de sites et d’entreprise) serviront de source de contenus pour de nouveaux développements de modules d’e-learning autour de trois (sous-)thématiques précises. Notamment la production de palette et la décontamination du bois (pour réutilisation). Dans ce domaine, des collaborations ont été engagées avec plusieurs partenaires, belges ou étrangers (notamment les universités de Nantes en France, Dresden en Allemagne et Laval au Canada).

“Dans ce domaine, nous voulons nous positionner comme une source de formations de haut niveau, à l’échelle européenne, et peut-être aller décrocher un projet européen”, indique François Strykers.

Une “plate-forme technologique”, baptisée Bois 2022, verra par ailleurs le jour à Arlon, notamment en collaboration avec l’intercommunale Idelux et Wallonie Bois (centre de compétence du Forem). Cette plate-forme devrait pouvoir s’appuyer une 10 modules d’e-learning, conçus ou adaptés par Jobs@Skills, dès son lancement.