ESIA: le doigt sur le pouls des “objets” connectés

Portrait
Par · 27/10/2016

Lorsqu’elle s’est lancée sur le marché, en 2011, la société liégeoise ESIA s’était donnée pour cible la supervision d’infrastructures IT et réseau afin d’en surveiller et mesurer le fonctionnement (serveurs, imprimantes, commutateurs, bande passante, VoIP…).

Un positionnement classique, peu différencié. Si ce n’est que la société s’appuyait sur un langage d’interrogation universel – USL (Unified Switching Language) – qu’elle avait pris soin de développer afin de palier au grand brouhaha babel-esque qui caractérise les échanges de messages, notifications, alertes & co entre équipements de multiples fournisseurs.

“USL permet de faire cohabiter les données provenant d’équipements de divers constructeurs (Cisco, HP, Extreme Network, Enterasys…) au sein de l’interface web de l’application ESIA Enterprise et de centraliser la surveillance et la gestion, sans devoir connaître les différentes commandes constructeurs”, souligne Daniel Etienne, co-fondateur et administrateur délégué de la société.

Changement de cibles

Le positionnement s’avérait porteur – “les réseaux sont souvent mal surveillés, par manque d’outils ou de compétences informatiques pour tout monitorer.” Porteur mais très concurrentiel, pas réellement différencié, et potentiellement en-deçà de ce que le marché actuel attend.

C’est lors des contacts établis avec quelques grands fournisseurs d’équipements et intégrateurs réseau que l’idée lui fut soufflée de s’aventurer sur des terrains à la fois mieux balisés et davantage demandeurs.

Depuis 4 ans, ESIA a dès lors diversifié son ciblage et réorienté son offre. L’Internet des Objets (sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations sectorielles) est passé par là.

  • Pairi Daiza: gestion de l’infrastructure IT mais aussi de tous les accès – qu’il s’agisse de l’entrée des visiteurs (émission de tickets) ou… de l’ouverture des enclos
  • Province de Liège: supervision de tous les équipements connectés (ordinateurs, imprimantes, commutateurs, pointeuses…) installés dans quelque 500 bâtiments
  • établissements pénitentiers (leur identité ne peut être dévoilée en raison de contraintes sécuritaires): supervision de tous les accès et systèmes critiques. Partenaire pour ce secteur: Veolia
  • brasserie: surveillance du bon fonctionnement de sondes de fermentation, afin de garantir qu’elles communiquent régulièrement et efficacement leurs relevés
  • laboratoires: surveillance et collecte de tous les paramètres des frigos (et non seulement des paramètres de température et d’humidité)
  • grande distribution et traiteurs: supervision unifiée de tous les équipements utilisés pour garantir le bon fonctionnement de la chaîne du froid (“cela permet de documenter avec précision son fonctionnement et de répondre aux sollicitations de l’Afsca”)
  • équipements de fournisseurs d’énergie: ESIA supervise le fonctionnement des UPS, surveillant une multitude de paramètres qui sont indicatifs du bon fonctionnement, du taux de consommation (en temps réel) des batteries, des temps de fonctionnement restants…

Désormais, la solution de supervision d’ESA est utilisée par une panoplie de secteurs et de métiers: hôpitaux, prisons, brasseurs, laboratoires, parcs d’attraction, stations d’épuration, grande distribution… Voir encadré ci-contre pour quelques exemples d’utilisation.

Le premier secteur visé fut celui des soins de santé et, plus spécifiquement, celui des hôpitaux. “Ces 10 dernières années, le nombre et le type de matériels connectés, d’équipements numérisés a littéralement explosé. Ce sont autant d’équipements qu’il faut surveiller sans pour autant que les équipes techniques ou informatiques, budget oblige, puissent être renforcées. Automatiser leur supervision permet à l’IT de se concentrer sur d’autres tâches à plus grande valeur ajoutée”, explique Nicolas Biersart, directeur technologique d’ESIA.

Première référence dans ce secteur: l’Hôpital Saint-Luc de Bouge, près de Namur. Exemple d’action qu’effectue le dispositif ESIA: des tests sur glucomètres connectés afin de vérifier que la connexion est active et fonctionne correctement.

Autre client emblématique: Pairi Daiza, où ESIA veille sur la gestion de l’infrastructure IT mais surveille aussi tous les accès – qu’il s’agisse de l’entrée des visiteurs (émission de tickets) ou… de l’ouverture des enclos. “Toutes les zones du parc sont surveillées, visuellement, sur un même écran qui fédère tous les états de fonctionnement.”

A priori, ESIA ne s’interdit aucun secteur. “Nous exploitons les données émises par les équipements, quel qu’en soit le fournisseur. Nous exploitons directement les protocoles de ces systèmes – SNMP, WMI, IPMI, ILO, Web socket, API propriétaires… Notre langage USL et le recours aux protocoles standard existants (RMON…) nous permettent d’offrir une solution à tous les secteurs.” Le cas échéant, en personnalisant la solution.

Potentiellement, tout équipement connecté à un réseau (quel qu’il soit) peut être monitoré et fournir des indications sur son fonctionnement. Depuis l’enclos d’un lion jusqu’aux composantes d’une imprimante (niveau de toner, panneau, tiroir à papier…), en passant par les sondes et capteurs en tous genres qui inondent notre environnement, privé ou professionnel. Tout dépend évidemment du type d’informations qu’est capable de livrer l’équipement ou l’“objet” connecté…

Supervision préventive

L’explosion du nombre d’équipements, d’appareils, de dispositifs connectés est une réalité qui touche tous les secteurs d’activités. Certaines estimations prédisent déjà que chaque être humain possèdera de 9 à 27 dispositifs connectés d’ici 2020. Que dire des milieux professionnels et industriels… “Les nuits seront de plus en plus courtes pour les équipes IT”, souligne Daniel Etienne. “Jusqu’à présent, le département informatique n’intervient encore souvent qu’en mode curatif. Pour des interventions techniques, il est souvent fait appel à des prestataires externes.

“Sans outil de supervision, les nuits seront de plus en plus courtes pour les équipes IT. Actuellement, elles consacrent encore de 70 à 80% de leur temps à résoudre des problèmes.”

Les statistiques veulent qu’un administrateur système soit à même de surveiller 70 équipements. Si on lui fournit un outil de supervision efficace, le chiffre passe à 90. D’ici deux ans, ce sera 130.”

Le gain peut paraître minime. “Là où le gain se nichera surtout”, explique Nicolas Biersart, “ce sera dans la diminution de la charge des problèmes à résoudre. Une chose à laquelle les équipes IT passent encore de 70 à 80% de leur temps actuellement. Le temps libéré pourra être utilisé pour améliorer l’environnement à l’aide d’outils plus efficaces.”

Et qui dit environnement plus efficace implique en principe une diminution des incidents et donc une aptitude à surveiller et superviser davantage de dispositifs connectés. CQFD.

“On passera de 90 à 130 équipements supervisables par une même personne parce que la surveillance s’effectuera en temps réel, parce qu’il sera devenu possible de prévoir les événements sans devoir les subir. Il ne s’agira plus de boucher les trous. On passe en mode prévision et anticipation. Depuis l’espace disque qui arrive à saturation et qui empêche de pouvoir effectuer la facturation en fin de mois jusqu’au temps de batterie restant pour un fournisseur d’énergie.”

Nicolas Biersart (ESIA): “Le nombre d’équipements et de dispositifs supervisables par une même personne progressera sensiblement parce que la surveillance s’effectuera en temps réel et parce qu’il sera devenu possible de prévoir les événements sans devoir les subir.”

Coup d’oeil sur la solution

La solution ESIA se compose à la fois d’un boîtier de collecte des informations – une sonde réseau baptisée GESA (Gateway ESIA Software Appliance) qui génère un tunnel entre le serveur situé dans le data center et le réseau à superviser – et d’une application (version Entreprise ou version Cloud) qui collationne les informations (états de fonctionnement, alertes…) et les exploite pour générer des tableaux de bord pour surveillance temps réel et des rapports.

La sonde réseau GESA

La solution ESIA se charge en effet de collecter les états de fonctionnement, de les rassembler et représenter dans une seule et même interface (graphique, avec codage couleur) et de générer alertes et notifications vers la personne adéquate.

Et cette personne peut très bien ne rien à voir avec l’IT. C’est par exemple le cas en milieu hospitalier, pour la supervision des équipements médicaux connectés. Le destinataire des notifications et alertes y sera par exemple le labo, le service biotech, l’infirmière…

L’envoi se fait, selon le cas et les préférences ou contraintes du client, vers le système dédié d’alerte d’une salle de contrôle, un ordinateur spécifique, un grand écran centralisant tous les messages et alertes, ou encore la messagerie (courriel) ou, en cas d’urgence, le canal SMS. Les niveaux et scénarios d’alerte sont personnalisables.

“Pour chaque type d’alerte, le système mis en place par ESIA sait qui alerter, par quel moyen, selon quelle fourchette de variation dans les valeurs surveillées. Tout est préconfiguré.” Toute modification à ces paramètres ou seuils d’alerte est effectuée par l’équipe de terrain du client.

En arrière-plan, la solution ESIA conserve les fichiers de consignation, gère l’historique (“au minimum un an de données”), met à disposition la liste des événements pour analyse des sources et raisons initiales de problèmes, génère des rapports (automatiques ou personnalisés), permet d’analyser en détail tout incident – “jusqu’au niveau de chaque RJ45”.

“Il est possible de zoomer et d’obtenir un rapport visuel de chaque “noeud” [équipement ou dispositif connecté]. Mais la solution ESIA a été développée pour pousser le détail encore plus loin”, souligne Nicolas Biersart. “On peut par exemple voir quel port d’un commutateur a subi un problème de collision de paquets. La granularité de la solution permet de surveiller des milliers de ports.”

Du plus modeste au grand compte

ESIA peut se retrouver dans deux types de situation: une société qui ne dispose pas encore de systèmes de supervision (associés à un équipement spécifique ou plus générique). Soit, elle débarque dans une entreprise qui s’est déjà équipée d’un système de supervision.

Il faut alors justifier ce qui pourrait apparaître comme une solution redondante. “ESIA n’est pas une solution de monitoring au sens où on l’entend généralement et qui se limite au champ IT. Notre solution couvre un champ nettement plus étendu.

Or, l’IT ne connaît pas les ficelles de la supervision. Nous apportons dès lors aux entreprises quelque chose de plus global, sans compétences nécessaires de leur part.’

La solution ESIA s’installe soit sur le site du client, soit dans le cloud (par exemple pour mutualiser la solution au profit de PME et TPE), que ce soit sur les serveurs d’ESIA elle-même ou sur l’infrastructure d’hébergement d’un partenaire (de premiers contrats ont été passés avec Systemat Professional Services et Rcarré au Grand-Duché).

Le client paie la solution “à l’usage” en fonction du nombre de noeuds supervisés et du niveau de supervision (la précision de cette dernière dépendra, rappelons-le, de l’“intelligence” de l’équipement surveillé, apte à fournir des données plus ou moins détaillées sur son fonctionnement).

Dans un premier temps, tout le démarchage commercial et le processus de vente ont été assumés en direct par la jeune société. Mais depuis quelque temps, surtout pour son attaque de l’international (France, Suisse…), ESIA s’appuie sur des partenaires tels que Systemat Professional Services et Rcarré. “Notre volonté est de passer par des partenaires qui intégreront la solution ESIA dans leur catalogue.”

Que ce soit Systemat ou Rcarré, tous deux ont implémenté et hébergent la solution ESIA dans leurs propres infocentres, la mutualisant au profit de leurs propres clients.

ESIA continuera de rechercher de nouveaux partenaires.

Profil? “Intégrateur, professionnel de l’IT (local ou global), gestionnaire d’infrastructure. Tout prestataire informatique de nos clients, en fait”, indique Daniel Etienne.

“Nous ne voulons en effet pas nous positionner comme concurrents de ces prestataires. Nous sommes avant tout un éditeur. Notre volonté de passer par un réseau de partenaires s’explique aussi par le fait que nous voulons qu’il y ait toujours un intervenant humain prêt à répondre aux sollicitations du client et prêt à intervenir en mode proximité.”

ESIA, c’est aujourd’hui 10 personnes, dont 4 embauchées depuis ce mois de juin.